Les zones franches en Haute-Savoie

L’histoire des zones et des frontières entre la Savoie et la Suisse commence au moyen age avec les oppositions entre les évêques de Geneve et la maison de Savoie.

C’est la réforme, en 1536, qui a marqué la fin de la période d’administration cléricale de Genève. Genève devient alors République libre et protestante, et le restera jusqu’à la Révolution. Les territoires genevois se divisent à cette époque en 5 : Genève ville, à l’ouest une zone Satigny-Chancy, Gy-Jussy à l’est, Genthod et Céligny sur la rive nord du lac. A cette date, Geneve reste toutefois coupée de ce qui deviendra la Suisse avec des zones sur la rive droite du Léman encore attachée à la France. 

Henry IV (1589-1610) garantit à Genève l’exemption des péages dans le Pays de Gex et la franchise totale pour le commerce genevois dans le baillage. Les habitants du Pays de Gex furent ainsi exonérés de tous les droits de douane à l’importation et à l’exportation

En 1603, du côté de la Savoie, c’est le Traité de paix de St-Julien qui mit fin à la guerre déclenchée par l’ «Escalade» et accorda à Genève le libre commerce ainsi que l’exemption des péages.

En 1754, un premier traité signé à Turin entre la République de Genève et la Savoie opère des échanges de terrains.
Ces nouvelles frontières, remises en question par de nombreuses guerres, furent étonnement constamment renouvelées et durèrent jusqu’à la Révolution française.
En 1798, la France annexe le secteur et fait de Genève le chef-lieu du département du Léman.

En 1813, La défaite de Napoléon 1er à Leipzig permet à la Suisse de se libérer et de conclure un pacte fédéral le 7 août 1815. La Suisse d’aujourd’hui est quasiment née. Les cantons du Valais, de Neuchâtel et de Genève rejoignent la Confédération. Par le Deuxième Traité de Paris en 20 novembre 1815. La Confédération reçut de la France pour faciliter les connexions territoriales avec Genève, les communes du Pays de Gex nécessaires à sa liaison avec le nouveau canton de Genève et le désenclavement de Jussy. La ville de Saint-Julien-en-Genevois et une partie de ce bas-chablais, d’abord rattaché au canton de geneve, se verra rétrocédée en 1816 au royaume de Piémont-Sardaigne (auquel appartient alors, pour encore quarante ans, la Savoie), la jugeant stratégique puisqu’elle relie le Châblais au Vuache

Le tracé de la démarcation franco-suisse n’a globalement pas évolué depuis 1816, mais les zones franches qui nous intéressent vont se succéder. De 1815 à 1860 la savoie va pendant 45 ans être réunie au piémont pour la dernière fois de son histoire.

La zone de Neutralité

Cette zone franche de 1815 à l’annexion (1860) a eu un objectif essentiel: 
Garantir à la Suisse et aux Sardes une zone de protection militaire

L’acte final du Congrès de Vienne du 9 juin 1815 ainsi que le Traité de Paris du 20 novembre 1815 instituèrent pour la Suisse, un statut international lui garantissant la neutralité et l’inviolabilité de son territoire. Une partie du duché de Savoie proche de Genève recevra lui aussi le caractère de neutralité sur son territoire.
L’article 92 de l’Acte final du Congrès de Vienne reconnaît ainsi qu’en cas d’ « hostilité ouverte ou imminente, les troupes de Sa Majesté le roi de Sardaigne qui pourraient se trouver dans ces provinces se retireront et pourront à cet effet passer par le Valais, si cela devient nécessaire ; aucunes autres troupes armées d’aucune autre puissance ne pourront traverser ni stationner dans les provinces et territoires »3. Cet article stipule donc qu’en cas en danger, la partie concernée du duché sera placée sous la protection de la Suisse.Ce traité institua la zone franche du pays de Gex.

La zone franche de Haute-Savoie fut instituée par le Traité d’Accommodement entre la Suisse, le canton de Genève et la Sardaigne, signé à Turin en 1816.

Mais la frontière fut âprement contestée par les Suisses. L’affaire fut portée devant la Cour permanente de Justice internationale de La Haye, qui ordonna de rétablir les zones franches en 1823. La nouvelle limite douanière de cette zone se fit sur les crêts du Jura, avec un poste de douane au col de la Faucille et des bureaux fiscaux afin de percevoir les taxes sur les marchandises. En effet, la Suisse doit pouvoir être capable de défendre plus aisément son territoire en déployant son armée sur des points stratégiques tels que des cols ou des défilés car sa frontière dans les environs de Genève, située en rase campagne, était absolument indéfendable. Bien que sa neutralité ait été proclamée, la Suisse n’était pas persuadée qu’elle serait respectée et continua bien après à construire des fortifications.

La Savoie du Nord était donc neutralisée comme si il eut fait partie de la Suisse, et en cas de péril, les forces helvétiques avaient le droit de l’occuper pour en assurer la défense. Lors du traité de Paris de 1815, l’alinéa 2 de l’article 3 précise quant à lui que cette limite passe d’« Ugine, y compris cette ville, au Midi du lac d’Annecy, par Faverges jusqu’à Lescheraines, et de là au lac du Bourget jusqu’au Rhône , soit un territoire comprenant les deux provinces initiales auxquelles on a ajouté celle du Genevois, la moitié nord du massif des Bauges, l’Avant Pays, mais aussi la région du lac du Bourget, incluant la ville Aix-les-Bains. Ce fut la zone franche la plus large.

La vie se déroula ainsi avec les Etats Sardes jusqu’en 1849 date à laquelle Charles Albert rallume imprudement la guerre avec les Autrichiens. Apres un désastre à Novare, il abdique en faveur de son fils Victor Emanuel II, dernier membre de la maison de Savoie à avoir régné sur notre pays. On consommera alors lentement la rupture avec le piémont. En 1858, le duché de Savoie obtient de l’aide de Napoleon III dans la guerre contre l’Autriche contre une promesse de cession de la Savoie et de Nice. L’unification de l’Italie commence à germer dans les têtes et dans des transactions discrètes.

Le 24 mars 1860, le traité de Turin décide de la réunion de la Savoie et de Nice à la France , moyennant une consultation des habitants. 
Dans les jours qui suivent, le climat est tendu dans les zones de la Savoie du Nord qui ont tout leur commerce avec Geneve. La Suisse revendique le Chablais et le Fauvigny si la maison de Savoie en abandonne la souveraineté. La menace est grave et l’issue de la consultation douteuse suivant la question qui sera posée. C’est Joseph Jacquier-Chartier de Bonneville et Hippolyte Pissard qui amène une solution. Ils demandèrent que la France accorde à la Savoie une zone franche permettant aux habitants de commercer librement avec la Suisse. La question référendaire comportera une option : « Oui et Zone »
La formule « Oui et Zone » emportera une écrasante majorité. Ce qu’on appelle la grande zone franche est créée (voir notre carte ci-dessous).

LA GRANDE ZONE FRANCHE

Voici donc constituée la « grande zone franche de la Haute-Savoie ». Bornée au Nord par le Léman, la frontière genevoise et le Rhône, elle l’est au Midi par la rivière des Usses et la ligne de partage qui sépare le bassin de l’Arve des bassins du Fier et de l’Arly. Sa population est alors d’environ 171 000 habitants, sur une population départementale de 255 737 habitants, et sa superficie d’environ 3 112 kilomètres carrés, sur une superficie départementale de 4 445 kilomètres carrés : la zone franche, comprenant à la fois la petite zone sarde de 1815 et la zone dite d’annexion de 1860, représente donc à peu près 70 p. 100 du département de la Haute-Savoie.
Sa caractéristique est d’être en dehors de la ligne des douanes françaises : elle est « ex-douane. » Donc, sa porte d’accès est grande ouverte de toutes parts ; tout entre chez elle librement et sans contrôle : elle vit (chose inouïe en Europe) sous le régime du libre-échange absolu. Autre corollaire de l’exterritorialité douanière : c’est l’exonération d’un certain nombre de taxes intérieures (droits sur les bières, les sucres, les huiles autres que minérales, droits de garantie des métaux précieux, diverses licences de fabricants), la minoration de quelques autres (droits sur le sel, sur les cartes à jouer), à quoi il faut ajouter de grosses réductions dans les prix de vente des produits de régie (poudres, tabac, allumettes). Les « zoniens » échappent ainsi à un tiers environ des charges fiscales payées par les autres Français. Grâce à l’ « entrée libre » d’une part, et de l’autre aux adoucissements fiscaux, ils ont bon nombre de denrées de consommation à des prix un peu inférieurs aux prix de France : ils ont la vie moins chère.
(voir notre page sur le pont de la caille dans : Les routes d’Annecy à Geneve)

LA PETITE ZONE FRANCHE

La situation perdurera jusqu’en 1919, date à laquelle le traité de Versailles met fin au statut de la Savoie du Nord, supprimant la neutralité militaire et le droit d’occupation au profit de la Suisse (jamais mis en œuvre depuis 1815). La grande zone franche fut abrogée en 1923. De 1928 à 1934, les discussions sont conflictuelles entre la France et la Suisse, tranchée une nouvelle fois en 1932 par la cour Internationale de justice de la Haye qui condamne la France à rétablir la petite Zone de 1816 autour de Genève. Ce sera la naissance de la douane du Chable….

1. Zone du Pays de Gex, 1815
2. Zone sarde, 1816
3. Zone sarde, 1829
4. Grande Zone française dite de l’Annexion, 1860-1923
Les zones 1, 2 et 3 ont été rétablies en 1934.

Après l’entrée de la Suisse dans l’espace Schengen le 12 décembre 2008, la France entreprend de démanteler la plupart de ses bureaux fiscaux, ainsi que les bureaux de douane du col de la Faucille et de Collonges, du Chable…

Régime douanier dans la petite zone

A partir de 1934, les marchandises peuvent être importées et exportées en franchise de droits de douane. Les postes frontières français installés le long de la frontière avec le canton de Genève sont des bureaux fiscaux destinés à percevoir les contributions indirectes dues en France. Les bureaux de douane destinés à percevoir les droits de douane sont disposés aux points de passage entre la zone franche et le territoire douanier français. 
Dans la seconde moitié du XXe siècle, les différents traités conclus sous l’égide du GATT puis de l’ OMC ont abouti à une baisse très sensible des droits de douane. Les accords européens ont même abouti à leur disparition entre les pays membres de l’Union, puis entre ceux-ci et la Suisse (espace Schengen le 12 décembre 2008). Dans le même temps, la TVA augmentait régulièrement, de sorte que les privilèges zoniens ont perdu pratiquement toute leur substance.
Aujourd’hui en 2018, la zone franche permet encore aux agriculteurs de vendre leur production en Suisse en exemption de droits dans la limite de quotas annuels. Elle permet également d’acheter des voitures fabriquées en dehors de l’Union européenne en franchise douanière. Ces véhicules sont reconnaissables à une plaque d’immatriculation particulière dite à fond rouge avec caractères argentés incluant un identifiant territorial (avant le 15 avril 2009, leur plaque rouge était immatriculée en transit temporaire sans date limite de validité dans la série TTW). Ce privilège est très peu utilisé !

Tous les évenements ci-dessus ont permis a ma branche généalogique d’exister et à votre serviteur de vous conter ces histoires aujourd’hui !

Bibliographie Spécifique: